LULU… TOUT SIMPLEMENT !

 Il n’avait que 5 ans lorsque son père a tiré sa révérence de ce monde des Humains pour gagner celui des Immortels, anges sacrés qui ont écrit l’Histoire planétaire de la Musique. De cette courte tranche de vie partagée avec Serge, Lulu Gainsbourg en garde une immense fierté, un incommensurable attachement…autant qu’un lourd héritage qu’il porte désormais sur ses épaules matures dont l’envergure s’est étoffée avec les années.

A 31 ans, Lulu Gainsbourg se pose avec délicatesse dans le monde impitoyable des artistes émergents, s’impose avec pudeur dans l’univers de la composition musicale qu’il maîtrise avec aplomb, s’exprime avec des mots qui ne lui font plus peur et s’affirme dans sa volonté d’exister pour ce qu’il est, LUI…
Au moment où nous l’avions rencontré, en août dernier, alors qu’il faisait la première partie de Jane au Festival du Château de Solliès-Pont, Lulu Gainsbourg venait présenter au public 6 des titres composant son 3ème album « T’es qui là » dont la sortie était annoncée pour mi-octobre. Il semblerait que celle-ci ait été légèrement différée, mais le premier single « Tequila » est disponible depuis juin dernier.
Quant à nous, chez Cibiwaï, nous nous sommes réjouis de l’occasion de cette rencontre pour faire la connaissance d’un jeune homme pétri de gentillesse, de sensibilité, de douceur et surtout d’humilité… un fils dont Serge doit être bien fier !

Christine Manganaro : Avant d’évoquer ce troisième album fraîchement débarqué, parlons déjà du premier « From Gainsbourg to Lulu » que tu as réalisé en hommage à ton père. Fallait-il que tu passes vraiment par cette étape pour aborder ensuite ta propre carrière ?
Lulu Gainsbourg : A la base, je ne suis pas chanteur mais musicien. Je voulais composer des musiques de films… et donc rester plutôt dans l’ombre. Mais c’était important pour moi de réaliser ce projet en hommage à mon père, même si je n’ai pas du tout pensé que c’était une étape obligée pour tracer mon propre chemin. Tout simplement parce que je n’avais aucune idée à l’époque du chemin que je voulais prendre ! Universal m’a donné l’opportunité de réaliser cet album, à condition que je signe pour 3 albums !! Le projet a commencé à se mettre en place en 2010 et tout est allé très vite ! Mais je ne savais pas ce qu’il se passerait après ce premier album…
Et puis, il y a eu le second album, « Lady Luck » écrit tout en anglais. Ce qui pour moi avait du sens puisque je revenais de 4 années passées au Berklee College of Music à Boston et que je poursuivais mes études musicales à Londres où je vis toujours d’ailleurs… ça fait 5 ans maintenant. Sur ce second album, j’ai pu m’affirmer comme musicien, et je suis devenu « plus ou moins » interprète… Mais à cette étape-là, je n’avais pas encore d’idée précise sur mon avenir artistique.
Et me voilà donc arrivé à ce troisième album, « T’es qui là », cette fois entièrement écrit en français, et là je peux dire qu’il y a eu comme un déclic, un déblocage avec ma voix qui me permet de dire aujourd’hui que je suis interprète chanteur et musicien !

Ce troisième album serait-il donc celui de l’accomplissement, de l’émancipation ?
De la maturité et de l’expérience assurément. Car mine de rien, il m’a fallu sept ans pour réaliser ces trois albums et donc au fil du temps, j’ai pris en maturité, en confiance, même si tout n’est pas encore gagné ! (rires).

Tu as pris plus de risques ?
Je pense oui ! Ne serait-ce que par le choix assumé de l’enregistrer dans des conditions live. J’ai toujours été très perfectionniste mais pas fan du « re-re » et du repiquage au milieu du morceau. Même pour les voix, on a gardé vraiment cette ambiance live pour les prises. En quelque sorte un album authentique… comme à l’époque ! (rires)

Un album est une chose, aller le défendre sur scène en est une autre… Un « live » aussi mais d’une autre ampleur !
Au début j’avais la trouille, je tremblais, j’ai toujours eu le trac depuis tout petit, y compris quand j’allais passer mes examens de piano. Depuis ces dernières années, j’ai commencé à faire des concerts, j’ai appris énormément de choses, même si à 31 ans il m’en reste encore beaucoup à apprendre ! Mais du coup, maintenant, je ressens plus de l’excitation que de la peur, cette envie débordante de partager mon travail, de faire découvrir au public ce que j’ai à leur raconter, par ma musique mais aussi à travers mes textes. J’ai aussi envie de les faire voyager car j’ai un style très éclectique qui passe par la funk, la pop, le rock, la soul, le disco, les ballades aussi… tout ça fait partie de mes inspirations et de l’héritage de mon papa bien entendu. Donc maintenant, je n’attends qu’une chose… c’est d’enchaîner les dates.

Tu parles de tes textes… il semble que tu aies trouvé pour ton troisième album une auteure de choix ? Ta complice et surtout ta compagne…
Absolument ! Ma compagne Lilou qui a écrit effectivement les 14 titres de cet album.

Est-ce cela qui t’a aussi incité à franchir le pas pour chanter en français ?
C’est vrai que le défi était de taille, et que j’avais peur, surtout par rapport à mon papa. Mais avec Lilou à mes côtés, je me suis moins posé de questions et je me suis lancé !

Finalement, être le fils de Serge Gainsbourg est un héritage plutôt lourd à porter ?
C’est un lourd héritage autant que c’est une immense fierté. Mais c’est sûr que je ressens beaucoup de pression et sans doute plus encore que si je venais de nulle part… Il y aurait moins de comparaison, moins de jugement. Mais autant être clair : mon but n’est pas de devenir aussi grand ou plus grand que mon père… déjà si je peux lui arriver à la cheville je serai content !!  Moi je veux aussi faire mon chemin et partager ce que j’ai à raconter… et non pas marcher dans les traces de mon père qui, lui, a fait une sacrée route !

Tu as écrit le second album Lady Luck dans un contexte de rupture sentimentale. Le troisième au contraire a été écrit dans un cadre idyllique et amoureux. Est-ce que ça s’entend, ça se ressent ?
Ça se ressent oui. C’est vrai que Lady Luck parle d’une rupture amoureuse, ce qui le rend assez sombre. Là, quelques amis me l’ont dit, on ressent que je suis heureux. Je ne m’en rendais pas forcément compte avant qu’on me le dise, mais c’est vrai que c’est beaucoup plus joyeux, ça parle énormément d’amour et ça fonctionne, c’est cool…(rires)

On pourrait penser que, pour toi « fils de », les choses seraient faciles et rapides. Or, ton parcours paraît aussi compliqué que pour n’importe quel artiste qui n’est pas connu et qui doit tout construire…
Comme je le disais tout à l’heure, le jugement des gens est beaucoup plus lourd à porter que si je n’avais pas un nom connu et que les gens me découvraient sans aucune référence antérieure. Alors oui certes, s’appeler Gainsbourg ça ouvre des portes, et ça m’en a ouvert beaucoup pour le premier album, car j’avais une très belle liste d’invités. Mais il y a aussi des inconvénients comme ceux qu’on évoquait tout à l’heure où les gens m’attendent au tournant et ne peuvent s’empêcher de comparer les choses qui me concernent avec celles de mon père.

Tes rêves et tes projets pour les mois à venir ?
Partager mon travail, continuer à créer. Mon troisième album est à peine sorti que je suis reparti en studio fin août pour travailler et écrire. Je ne sais pas encore si, ce qu’il en ressortira nourrira un quatrième album, mais pour le moment l’heure est au travail. Toujours avec la même équipe et la même auteure !

Et des musiques de films ? Puisque c’était ton rêve à la base…
C’est toujours une envie. Beaucoup de gens me disent que dans mes morceaux instrumentaux, il y a souvent une touche de musique de film. Le temps me le dira…

Finalement, le plus important pour toi aujourd’hui c’est de t’épanouir en tant qu’artiste affirmé, ou tout simplement de continuer à faire de la musique, éventuellement pour d’autres aussi ?
En fait, je suis ouvert à toutes les propositions. Aujourd’hui je me concentre sur mes propres projets pour commencer à me faire un public, à être plus connu et reconnu, à faire découvrir mon travail. Je n’ai pas d’ambitions toutes tracées, mais je trace mon chemin selon les opportunités qui se présentent… Tout en étant heureux en vivant avec la femme que j’aime… et d’ici quelque temps pourquoi pas en devenant à mon tour papa…

 

Retrouvez toutes les photos de Lulu Gainsbourg sur la scène du Festival du Château à Solliès-Pont le 25 Juillet 2017