AMOUR, GLOIRE ET MÉMÉ

Dire que Mémé Casse-Bonbons et Anne Cangelosi ne font qu’une est à la fois une vérité et un mensonge ! La comédienne a mis plus de vingt ans pour accoucher de Joséphine Troux, la bien-nommée Mémé Casse-Bonbons, octogénaire marseillaise qui n’a pas la langue dans sa poche, et qui met l’accent là où ça fait mal… Lors de son entrée en scène, ce n’est pas Anne mais Mémé qui s’impose, et qui en impose aussi avec sa verve, ses souvenirs, ses provocations, ses excentricités mais aussi avec ses émotions, ses doutes, ses anecdotes, ses regrets… Mémé qui rit, Mémé qui pleurt, et nous avec !
Cette Mémé si imposante occupe aujourd’hui tout l’espace que la comédienne Anne Cangelosi a longtemps laissé vide… en proie à ses doutes, ses incertitudes. À l’aube de sa 50ème année, poussée par le temps qui passe ou réconciliée par le temps passé, Anne croque à pleines dents les fruits de son labeur et de ses galères. Vraie, authentique, généreuse, passionnée, Anne Cangelosi est incontestablement la fille que Mémé Casse-Bonbons aurait rêvé d’avoir !

Avant de parler de Mémé Casse-Bonbons, parlons de toi, Anne Cangelosi. Un nom qui chante le Sud. Tu as des origines méditerranéennes ?
Cangelosi c’est le nom de mon mari, parce que oui je suis mariée, ce qui fait de moi une femme respectable (rires) ! Lui a des origines siciliennes, et moi je suis née à Marseille. Donc effectivement, on reste du côté de la Méditerranée !

Si ce n’est pas trop indiscret, quel âge as-tu ?
Eh bien je vais avoir 50 ans le 5 mai 2017…Et ce jour-là, je serai au même endroit, ici au Théâtre de la Porte d’Italie à Toulon ! Autant dire qu’on va fêter ça !

50 ans, c’est un cap important. Comment le vis-tu ?
Pas très bien en fait…parce que dans la tête, j’en ai quelques dizaines de moins, comme 90% des cinquantenaires je pense !

Et toi, tu t’es arrêté à quel âge environ ?
18/20 ans !!! (rires). Non, franchement, j’ai pas du tout l’impression d’avoir 50 ans. Pour moi, la femme de 50 ans, c’est la femme bien rangée, très propre sur elle… plutôt ma mère quoi !!!

Et toi tu restes l’éternelle teenager ?
Oui, au grand désespoir de mon mari d’ailleurs !! Bon, après il faut être honnête quand même, le côté teenager c’est dans la tête parce que pour le reste, tu vois quand même que tout commence à se relâcher, à tomber un peu…

En fait, quand Mémé Casse-Bonbons est née, j’avais 20 ans ! Ça fait donc 30 ans qu’elle existe.

Ça c’est effectivement le mauvais côté ! Mais le privilège de l’âge c’est aussi celui de la maturité, d’une certaine sérénité… et peut-être que ça devient un atout considérable quand on est une comédienne  ?
Effectivement, tu as raison. Cette maturité-là est très importante parce que tu as envie de dire d’autres choses… D’ailleurs, mon deuxième spectacle est très différent du premier, il a beaucoup plus de fond.


C’est un spectacle que tu as écrit longtemps après le premier ?
Oui très longtemps. En fait, quand Mémé Casse-Bonbons est née, j’avais 20 ans ! Ça fait donc 30 ans qu’elle existe. À cette époque-là, tous mes profs de théâtre me poussaient à écrire, et je leur disais « vous êtes bien gentils mais je sais pas écrire » !  En plus, mon idole c’est Zouc (une humoriste suisse – NDLR), donc pour lui arriver à la cheville, faut quand même se lever de bonne heure. Sinon, j’ai été élevée avec Coluche que mes parents adoraient, Desproges, toute cette génération-là. Ce sont des artistes de très haut vol, à la fois dans leur interprétation mais surtout dans l’écriture. Donc quand mes profs me disaient « Faut que t’écrives… » moi j’avais l’impression que tout avait été déjà fait et beaucoup mieux que ce que je pourrais être capable de faire.

Et du coup, comment est née Mémé Casse-Bonbons ?
En fait, j’ai été élevée par ma grand-mère jusqu’à l’âge de 11 ans. C’est pour ça que j’ai une tendresse toute particulière pour les personnes âgées.

Impossible de retoucher le texte, il y a eu un énorme blocage.

Donc, c’est ta propre grand-mère qui a fait naître Mémé ?
Oui, en fait c’est un mélange des deux : pour le côté méridionale, c’est ma grand-mère paternelle, et il y a beaucoup de ma grand-mère maternelle qui m’a élevée et dont j’étais très très proche. Quand elle est décédée, j’avais une vingtaine d’années. L’été qui a suivi son décès, j’ai eu besoin d’écrire, quelque part sans doute de continuer de la faire vivre. Un texte en est sorti. Je suis revenue au mois de septembre le montrer à ma prof qui m’a dit que c’était vachement bien, intéressant …mais qu’il manquait 20 minutes pour prétendre à un seul en scène qui doit durer 1h10. Là, je l’ai regardée avec des yeux ronds comme des soucoupes, parce que j’avais l’impression que j’avais tout dit. Impossible de retoucher le texte, il y a eu un énorme blocage. Y’a même une fille du cours qui m’a proposé d’écrire à deux, de me donner des idées mais je n’ai pas accroché…Du coup, j’ai pris toutes les feuilles, je les ai mises dans une pochette, j’ai l’ai rangé dans un placard, et j’ai arrêté de jouer pendant 15 ans !!

Mais pourquoi cette décision catégorique ?
Pas forcément soutenue par mes parents, la peur de la précarité, le regard des autres, le gros manque de confiance en moi, donc j’ai choisi d’arrêter. Ahhh je te vois déjà la petite larme à l’œil, mais attend !… Parce que là on arrive au chapitre conte de fées de mon histoire…

Une histoire de prince charmant alors… ?
Oui, et pas qu’un d’ailleurs !! (rires). J’avais 33 ans quand j’ai rencontré mon mari. Il m’a dit « mais t’es dingue pourquoi t’as tout arrêté ? ». Quand j’allais au ciné avec lui, je rencontrais souvent des comédiens que je connaissais, certains de ma promo comme Karine Viard, Hélène De Fougeroles, Léa Drucker, Julie Gayet. Quand Karine a eu son premier César, j’étais sincèrement ravie pour elle mais en même temps, je me suis dit « si j’avais continué, peut-être que j’en serais là moi aussi… ». Mon mari m’a encouragée à m’y remettre, sauf que mon ancien cours n’existait plus et ma prof n’était plus de ce monde !! Je devais donc repartir de zéro, retrouver un cours de théâtre qui correspondait à ce qu’on m’avait appris et surtout à l’éthique que je m’en faisais. Finalement j’ai trouvé un cours dans un centre culturel à Paris avec un prof qui était aussi metteur en scène. Je me suis dit : « bon, ça fait 15 ans que t’as pas joué, on va voir si y’a pas trop de rouille » !! En fait, c’est un peu comme le vélo, ça ne s’oublie pas trop, sauf que ces 15 années ont été celles où je me suis construite en tant qu’adulte. J’ai arrêté à 25 ans et j’ai repris à la quarantaine. Alors, je me posais plein de questions : « est-ce que tu vas avoir la même folie qu’à 20 ans ? Le même lâcher prise ? ».

Je redécouvrais à 40 ans un texte que j’avais commencé d’écrire à 20…

Tu t’es surprise toi-même ?
J’ai rapidement repris mes repères, mais ce qui m’a surtout surprise c’est le jour où mon prof m’a dit : « tu devrais écrire » !! Je me suis dit « mais qu’est-ce qu’ils ont tous à me saouler avec ça » !! Pourtant, au cours suivant, je lui ai passé une impro de Mémé en lui expliquant que j’avais écrit ce truc y’a 20 ans et que j’avais jamais fini. Il m’a répondu « finis-le et je te mets en scène ». C’était vraiment la marque de confiance que j’attendais. Sauf que moi, j’avais un travail et je venais d’avoir ma fille, donc pas simple ! Mon mari m’a dit « écoute, moi je garde Juliette le samedi et toi tu vas bosser dans un café »… Oui parce que je sais pas bosser chez moi, j’aime bien faire ça dans un café, avec du monde autour ! Le premier samedi où j’ai rouvert ma chemise, c’était super émouvant. Je redécouvrais à 40 ans un texte que j’avais commencé d’écrire à 20…

Et justement, tu en as pensé quoi ?
C’était pas mal en fait ! J’étais agréablement surprise, étonnée même d’avoir écrit ça à mon jeune âge ! (rires). Et puis, j’ai beaucoup réfléchi à ce que j’avais envie de dire avec les années et l’expérience en plus.  Je me suis dit aussi que si je restais sur les anecdotes de ma grand-mère, j’allais vite tourner en rond. L’idée m’est donc venue de m’inspirer de toutes les femmes de la famille, toutes générations confondues, et de les offrir à Mémé, pour qu’elle incarne un peu le côté universel. J’ai mis deux ans à écrire, et j’ai fini par trouver les 20 minutes qui manquaient.

Donc à 40 ans, ta vie de comédienne redémarre…
J’ai commencé par passer une audition dans un théâtre. Ils ont kiffé et m’ont programmée dans la foulée pour 20 dates, du jeudi au samedi voire dimanche. À ce tournant de ma vie, tout est arrivé en même temps : le boulot, ma fille, j’étais enceinte du deuxième, et le théâtre…J’ai tout connu : les salles vides ou avec 3 pelés, les salles combles et euphoriques !  J’ai accouché, je suis retournée bosser chez Alcatel et là… un jour… en rentrant de la cantine, le déclic… l’étincelle…: « si tu te bouges pas le cul personne va venir te chercher, et dans 20 ans, tu feras toujours le même chemin, de la cantine à ton bureau en regrettant de ne pas être allée au bout de tes rêves »…

Et du rêve à la réalité, tu as fini par trouver le bon chemin ?
J’avais entendu parler du théâtre « Le Bout » à Pigalle et de leur « Ecole du One Man Show » dans laquelle je me suis inscrite. Là, j’ai rencontré Alexandre Delimoges, metteur en scène, directeur du théâtre et de l’école. À l’époque, en 2009, on était dans le règne du stand-up. Autant te dire qu’avec Mémé aux antipodes, je m’en suis pris plein la tronche. Je suis rentrée chez moi, et après avoir digéré l’affront, j’y suis retournée la semaine suivante en ayant bien préparé ma contre-attaque : « écoute Alexandre, j’entends tout ce que tu me dis, mais en clair, vas te faire voir ( !) parce moi, non seulement j’ai envie de dire des trucs sur les personnes âgées mais en plus je pense que ça peut vraiment marcher et toucher les gens ».

Je ne voulais pas que Mémé s’aventure sur le terrain un peu trop facile du rire version dessous de la ceinture ! 

Et à ce moment-là, il t’a virée ?
Non seulement il ne m’a pas virée, mais il m’a dit « OK, alors je vais t’aider à faire évoluer ton texte ». J’étais d’accord pour réécrire certains passages mais pas de toucher aux moments d’émotion. On fait une lecture ensemble, et là, ce que j’avais sué à écrire pendant deux ans… il m’en coupe la moitié !! Finalement, on a longuement discuté des sujets à aborder, il m’a beaucoup aidé à y voir un peu plus clair, parce que quand je suis en phase de création, c’est un gros bordel dans ma tête, et je ne sais pas par quel bout commencer. Pour la petite anecdote, un jour il m’a suggéré l’idée de parler de la sexualité des personnes âgées. Là, je me suis mise dans une colère noire car je ne voulais pas que Mémé s’aventure sur le terrain un peu trop facile du rire version dessous de la ceinture !

Décidément, vous n’étiez donc pas trop sur les mêmes longueurs d’ondes tous les deux !
C’est ce que j’ai cru ! Mais, je me suis dit « puisqu’il veut du cul, je vais lui servir du cul ! » et c’est comme ça, lors d’un déplacement professionnel en train, que j’ai écrit un texte en me servant de ce prétexte pour parler des conditions des femmes de cette génération et de leur non-éducation sexuelle. Finalement, encore animée par la colère, je suis allée dans le trash, au bout du bout, et j’ai écrit « la nuit de noces » et « la pipe » dans la foulée… d’un seul jet, c’est le cas de le dire (rires) !! Lorsque j’ai revu Alexandre, grosse surprise quand je lui ai fait lire le texte !! J’avais vraiment fait ça comme un défi, sans jamais penser le jouer. Je l’assumais pas du tout. Finalement, l’année s’est passée et j’ai présenté mon avant-première le 13 juin 2010, devant toute l’école. Alexandre n’avait jamais vu le spectacle du début à la fin. On n’avait jamais fait de filage, juste parlé d’éléments de décors…

Et donc, ce fut à nouveau la douche froide ?
Pas du tout ! Mon avant-première s’est super bien passée et le lendemain j’ai reçu un mail d’Alexandre qui me disais : « je ne m’attendais pas du tout à ça, c’est le genre de spectacle que j’ai envie de défendre…Je te propose d’être ton metteur en scène »… Du coup, on travaille ensemble depuis 2011, l’année où je me suis fait lourdée de chez Alcatel (rires) !!

Cette fois, tu peux vraiment commencer à voir le bout du tunnel alors ?
Au début, c’était un peu « je te fais ta mise en scène et pour le reste démerde-toi » !! Petit à petit, Alexandre m’a programmée dans son théâtre à Paris, mais c’était la loose totale. J’ai donc tenté ma chance en province, à Nice pour commencer, où ça se passait mieux qu’à Paris. Là, l’assistante de « Mado la niçoise » est venue me voir, a adoré le spectacle et m’a appelé pour remplacer deux désistements dans leur théâtre niçois. J’y suis allée, et à partir de là, tout s’est petit à petit enchaîné… Alexandre voyait bien que je me bougeais le cul pour avancer… Sauf qu’un jour il m’a dit un truc super vache mais qui, au final, m’a été salutaire : « maintenant arrête de fantasmer sur ce métier, et fais-le vraiment ».

En 2015, ça faisait 5 ans que je jouais ce premier spectacle « Petits arrangements avec la vie ». J’ai dit à Alexandre qu’il fallait peut-être commencer à écrire le deuxième…

Pourtant en écoutant ton histoire, on n’a pas l’impression que tu aies beaucoup fantasmé… mais au contraire fait preuve de lucidité ?
Oui…mais quand tu commences à avoir un peu de reconnaissance, tu t’imagines vite que tu feras l’Olympia dans six mois, ou que Drucker va t’inviter à son « Vivement dimanche » !! Pour être honnête, j’ai vraiment ramé…mais petit à petit j’ai gagné la confiance d’Alexandre et mon premier Avignon en 2012 a été décisif. Plein de programmateurs sont venus me voir, et j’ai commencé quelques tournées. Je le soupçonne quand même d’avoir envoyé quelques messages sans me le dire ! En 2015, ça faisait 5 ans que je jouais ce premier spectacle « Petits arrangements avec la vie ». J’ai dit à Alexandre qu’il fallait peut-être commencer à écrire le deuxième…

Au bout de 5 ans, tu n’étais pas trop lassée de jouer toujours le même spectacle ?
Non, pas du tout ! Le personnage est tellement intégré, tellement là, que je ne pense plus du tout au texte et j’entre totalement dans la peu de Mémé Casse-Bonbons. C’est un vrai kiff !

Aujourd’hui, parler de pipe ça ne te pose plus de problèmes ?
Quand je jouais au théâtre « Le Bout », je m’arrêtais à “La nuit de noces”, au grand désespoir d’Alexandre qui trouvait que le passage de « La Pipe » méritait vraiment sa place dans mon spectacle. Donc, j’ai commencé à faire la pipe en marchant sur des œufs !! (éclats de rires). Maintenant, je sais que c’est le point culminant du spectacle et que je vais choquer certaines personnes, mais je reste droite dans mes bottes quand je joue et ça donne encore une autre dimension à cette scène.

Dans le premier spectacle comme dans celui-là, tout ce qui est écrit est vérifié et juste.

Revenons à cette année 2015 où le temps est venu d’écrire la suite de l’histoire de Mémé Casse-Bonbons…
Lorsque j’ai dit à Alexandre que c’était le moment d’écrire le deuxième spectacle, je voulais qu’on fasse comme pour le premier : qu’on prenne deux heures pour faire un brainstorming pour qu’il me mette sur les rails avant de me lancer. Et là, il m’annonce qu’il souhaiterait le co-écrire avec moi. J’ai dit “OK, à condition que tu acceptes de mettre Mémé en maison de retraite. C’est pas trop sexy comme sujet, c’est même un peu tabou mais pour moi c’est important d’en parler”. Et il a été d’accord !

Et cette fois, vu que ta grand-mère n’était plus de ce monde, où as-tu cherché ton inspiration ?
J’ai acheté plein de bouquins de sociologie, des ouvrages sérieux sur les maisons de retraites, pas drôles du tout, d’ailleurs je chialais à chaque page. Comme notre parti pris est très réaliste, je ne voulais pas raconter de conneries. D’ailleurs, dans le premier spectacle comme dans celui-là, tout ce qui est écrit est vérifié et juste.

Donc, cette fois, Mémé est en maison de retraite, et elle fout la révolution…avec sa meilleure copine Honorine…
Exactement ! À la fin du premier spectacle, Mémé reçoit un coup de fil qui reste en suspend… et finalement on découvre dans le second qu’Honorine n’est pas morte, et ça c’est le scoop ! « On n’achève pas les vieux » se situe environ six mois après le premier (mais on peut voir celui-là sans avoir vu le 1). Mémé s’est faite opérer de la hanche et ne peut plus vivre seule chez elle. Le seul qui accepte de l’héberger, c’est Robert son neveu qu’elle déteste, autant que sa femme Arlette et leurs deux enfants qu’elle traumatise en leur racontant des histoires gores !! Finalement, son neveu décide de la placer dans une maison de retraite à son insu en lui faisant croire qu’il l’emmène rendre visite à sa copine Honorine. Lorsqu’elle se rend compte de la trahison, et après que son amie meurt vraiment, elle met une panique totale dans la maison de retraite !

C’est ce côté « boucan » qui rend Mémé si attachante ?
C’est très bizarre ce qu’il se passe avec ce personnage. C’est comme si elle symbolisait la vie, l’énergie. Elle considère qui lui reste deux ou cinq ans à vivre, et qu’elle doit encore faire plein de choses parce que finalement elle a toujours été spectatrice de sa vie. Maintenant elle veut être actrice. Ce second spectacle apporte toute une réflexion sur ça aussi, sur les petites lâchetés de la vie quotidienne.

En t’écoutant parler de ce personnage si charismatique, une question fondamentale vient se poser d’elle-même : est-ce que toi, Anne Cangelosi, tu pourras un jour interpréter un autre personnage ?
Oui ! et je l’ai fait. Pendant 3 ans, en même temps que je tournais avec Mémé Casse-Bonbons, j’ai joué le rôle d’une sorcière dans un spectacle pour enfants. J’ai joué également dans une comédie d’Alexandre qui s’appelait « Asseyez-vous sur le canapé, j’aiguise mon couteau », je faisais une comtesse. J’ai adoré ce rôle, malheureusement je n’ai pas pu le jouer très longtemps parce que Mémé prenait de plus en plus de place dans mon agenda. Mais en gros, l’idée est de pouvoir interpréter plein d’autres rôles qu’on pourrait me proposer !

Mais est-ce que, toi, tu pourrais créer un autre personnage après Mémé ?
Ça en revanche, c’est la grande question. Et à vrai dire, pour le moment, je ne sais pas. Elle est là depuis 30 ans, c’est quand même compliqué. Elle a sa propre vie d’ailleurs. Ce que les gens veulent, c’est Mémé. À partir du moment où tu donnes vie à un personnage qui devient une partie de toi, tu en deviens forcément prisonnier !

il me faudrait encore au moins 50 ans pour profiter de cette nouvelle sérénité.  Et là, je réalise qu’en fait il me reste au mieux 35 ans…

Donc en clair, Mémé n’est pas prête de mourir et doit bien avoir encore quelques facéties pour inspirer un prochain spectacle…
Effectivement, ça va être dur de faire mourir Mémé et d’ailleurs, pour l’instant, j’en ai pas du tout envie ! J’ai encore beaucoup de choses à dire sur les personnes âgées. Et d’ailleurs, dans « On achève pas les vieux », les sujets abordés ne sont pas très politiquement corrects ! Tu évoquais tout à l’heure le privilège de la cinquantaine, il y a sans doute de ça (rires) ! Est-ce moi qui vieillis, qui finalement découvre ma propre réflexion sur ma propre vieillesse… J’arrive à 50 piges et j’ai l’impression d’à peine aborder l’essentiel de ma vie. J’ai passé tellement de temps à me remettre en question, à m’en poser des tas aussi, à douter de tout et surtout de moi… que maintenant, il me faudrait encore au moins 50 ans pour profiter de cette nouvelle sérénité.  Et là, je réalise qu’en fait il me reste au mieux 35 ans…

Depuis le début de notre conversation, tu évoques ton manque de confiance. Ce personnage de Mémé n’est-il pas finalement ton exutoire ?
Oui, sans doute… Je me permets des choses avec Mémé que je n’oserais jamais dans la vie. C’est un peu comme si je prêtais mon corps au personnage. C’est complètement vrai sur le premier spectacle où Mémé fait sa vie pendant 1h10… Sur le second, c’est un peu plus compliqué parce que pour le moment, il n’est pas encore suffisamment rodé et je reste parfois trop préoccupée par mon texte pour laisser Mémé faire ce qu’elle veut !

Pour toi, idéalement, la suite de ta carrière tu la verrais comment ?
Ce que j’aimerais, c’est convaincre les dernières personnes réfractaires à Mémé. Je ne parle pas du public, mais des programmateurs. Pour la petite anecdote, quand j’ai créé le spectacle ça s’appelait « Le péril vieux »… J’avais 2 personnes dans la salle. À partir du moment où je l’ai intitulé “Mémé Casse-bonbons”, il y en avait bien plus !! Depuis six ans que je tourne, plein de professionnels me font confiance, me programment, sont contents, me reprennent…En fait, sans aucune prétention, tous les gens qui ont goûté à Mémé en redemandent !! Mais il y a aussi une poignée d’irréductibles qui refusent tout simplement de voir mon spectacle. Alors, à ceux-là, j’ai quand même envie de leur dire de laisser Mémé leur prendre la main, au moins pour un voyage initiatique, et après, ils pourront juger sur pièce !

Et le cinéma ?
Ah oui ! Le cinéma, évidemment qu’en tant que comédienne, j’ai envie de jouer autre chose, de faire du cinéma…Mais, pour le moment, j’ai le réseau des cafés théâtres, pas ceux du cinéma, ni de la télé… Tiens, j’imagine Mémé invitée chez Drucker ou chez Sébastien, ça foutrait un bordel terrible et je suis sûre que ça marcherait et que le public tomberait sous le charme (si on peut le dire ainsi !).

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Interview sans fausse note, au coin d’un piano, dans les backstages du Café Théâtre de la Porte d’Italie où Anne viendra fêter, avec Mémé, ses 50 ans le 5 mai prochain !

Retrouvez toutes les photos des spectacles de Mémé Casse-Bonbons par Yann Etesse.