Article paru dans Telex Var N°1675 du 06/03/2013

TOUT PIAF !

Jil AigrotIl y a eu « La Môme », sorti en février 2007 et déjà inscrit au rang des chefs d’œuvre du Cinéma Français. Il y a le 50ème anniversaire  de  la  disparition  d’Edith Piaf, le 11 octobre 2013. Et il y a « Edith », LE spectacle qui, à travers la voix et la personnalité de son interprète Jil Aigrot, constitue certainement le plus bel hommage à celle qui, de toute évidence, a accroché son nom et son œuvre au sommet de l’éternité.

Découverte  par  Ginou  Richer,  amie  proche  d’Edith  Piaf,  Jil  Aigrot  est  la  voix  chantée  de  Piaf  dans  le  film  «  La  Môme ». Des coulisses du tournage aux devants de la scène, Jil n’a pas eu de mal à conquérir son public, à la fois ébahi par la ressemblance vocale et séduit par la grâce et le talent de l’artiste. Nous avons eu le grand plaisir de découvrir une artiste dont le destin pourrait presque laisser penser que c’est Edith qui l’a choisie… Interview.

Christine : En dehors de « l’univers Piaf » », qui est Jil Aigrot ?

Jil Aigrot : Jil Aigrot est une chanteuse… qui a toujours chanté depuis son enfance et fait plein de choses différentes : une école d’art lyrique pour apprendre à maîtriser ma voix, mais aussi de la comédie musicale, de l’opérette, du théâtre… A cette époque, je ne chantais pas Piaf mais elle était toujours présente dans les intonations de ma voix, et on me le faisait remarquer à chaque fois…

Christine : En fait, cette voix est un don de la nature bien plus qu’un travail d’imitation…

Jil Aigrot : En quelque sorte oui. Je n’ai pas appris à chanter en imitant Piaf, mais c’est à travers les chansons de Piaf que j’ai compris que je pouvais chanter ! Bizarrement, lorsque je suis arrivée au conservatoire, on m’a fait remarquer que les choses n’allaient pas être faciles … parce que j’avais la voix d’Edith Piaf !

Je n’ai pas appris à chanter en imitant Piaf, mais c’est à travers les chansons de Piaf que j’ai compris que je pouvais chanter !

Christine : Lorsque vous avez pris conscience que vos destins étaient liés, vous êtes-vous projetée dans l’univers de Piaf, ou au contraire avez-vous essayé de vous en détacher pour rester vous-même et ne pas « ressembler à »… ?

Jil Aigrot : J’ai plutôt essayé de m’en détacher jusqu’à la rencontre avec Ginou Richer et cette incroyable opportunité d’être la voix du film « La Môme ». A ce moment-là, il a fallu que je m’approche au plus près de la personnalité d’Edith Piaf.

Christine : Parlons justement de cette rencontre et de cette expérience extraordinaire. Comment vous êtes-vous retrouvée dans l’histoire de La Môme ?

Jil Aigrot : J’ai rencontré Ginou Richer au mois de mars 2005 et on s’est retrouvées en octobre 2006 où elle m’a parlé du scénario de « La Môme ». Elle m’a demandé l’autorisation de donner mes coordonnées au réalisateur Olivier Dahan qui n’avait pas encore trouvé « la voix » d’Edith Piaf. 10 jours après, ils m’ont contactée et les choses se sont enchaînées très vite. Le 30 novembre, j’étais en studio !

Christine : Vous avez donc enregistré les chansons du film avant même que les scènes ne soient tournées ?

Jil Aigrot : Effectivement, les enregistrements ont été faits du 30 novembre 2006 au 9 janvier  2007 avant le tournage du film qui a commencé le 16 janvier. J’ai travaillé en studio avec l’actrice Marion Cotillard, le réalisateur Olivier Dahan et Edouard Dubois, le directeur musical du film pour enregistrer ces séquences. Marion était en face de moi et me donnait des instructions sur le climat des scènes, elle m’aidait à interpréter les morceaux en faisant des gestes, des mimiques…

Je ne sais pas si je serais capable aujourd’hui de refaire la même chose

Christine : Donc, au moment où vous enregistrez, Marion Cotillard est la « peau » du personnage et vous, la « voix ». Ce doit être difficile et éprouvant, comment l’avez-vous vécu ?

Jil Aigrot : Je l’ai vécu en plusieurs nuances. D’abord avec beaucoup de joie et de fierté car je réalisais, au fur et à mesure, que ce projet allait devenir un grand film du cinéma français. Bien sûr, il y a eu aussi des moments plus difficiles parce que je n’avais pas d’autres référents que la comédienne et le scénario. Mais, il y avait vraiment un esprit de soutien et de cohésion autour du réalisateur qui mettait tellement d’espoir dans ce film. Cette envie de faire quelque chose de beau nous portait tous, sans que nous en mesurions pleinement les conséquences… En fait, je ne sais pas si je serais capable aujourd’hui de refaire la même chose. A l’époque, ma mémoire était « blanche » mais après cette expérience, cette découverte de l’univers cinématographique et les concerts qui ont suivi, beaucoup de choses ont changé…

Christine : Quand vous avez découvert ce film, pour la première fois, vous avez réalisé que c’était votre voix ?

Jil Aigrot : Toute l’équipe, qui a participé de près ou de loin à la réalisation du film, a été invitée à une projection privée 2 semaines avant sa sortie officielle. A ce moment-là, j’avoue que j’ai eu un gros choc car je n’ai pas reconnu ma voix ! Naturellement, je ne chante pas comme dans le film puisqu’il s’agit d’une pure imitation. Et pour moi, c’était presque une contre-performance vocale !! En fait, il m’a fallu beaucoup de temps. Pour essayer de me détacher du côté technique et le regarder avec d’autres yeux, je l’ai vu dans toutes les conditions, à la télé, au cinéma, accompagnée et même seule… Et je n’ai réussi à bien le vivre qu’il y a quelque mois, lors de la dernière diffusion de « La Môme » à la télévision. Il m’a fallu 6 ans pour m’y faire !!

Christine : Pour autant, derrière l’histoire du film, il y a celle de votre spectacle. Sur scène, qui êtes-vous : Edith ? La Môme ? ou Jil Aigrot qui chante Piaf ?

Jil Aigrot : Après le film, j’ai fait une première tournée avec une quinzaine de musiciens. J’ai la chance d’avoir une maison de production qui m’a suivi et m’a aidé à monter ce nouveau spectacle «  Edith », en hommage au 50ème anniversaire de sa disparition. Dans ce spectacle, on peut dire que je suis les 3 à la fois. Dans la première partie, j’évolue dans un décor, dans un costume, je joue et chante avec mes musiciens mais je ne m’adresse pas du tout au public. Je suis « La môme qui, en deuxième partie, devient Edith Piaf avec ses grands succès et une ambiance différente. Mais, à travers tout ça, je suis toujours moi car cette voix reste la mienne. Souvent, le public me dit, « on entend sa voix mais on entend aussi la vôtre » et ça, pour moi c’est très important.

Il faut être à la hauteur ou, en tous cas, réussir à donner au public autant d’émotion qu’’Edith pouvait transmettre

Christine : Edith Piaf reste l’une des plus grandes dames de la chanson française…Ce doit être une fierté énorme de porter cet espèce d’héritage, mais n’est-ce pas aussi un peu lourd ?

Jil Aigrot : Tout à fait, d’autant que je vais souvent chanter à l’étranger et qu’elle a une  dimension encore plus grande et plus charismatique car, hors de nos frontières,  elle est considérée comme la plus grande chanteuse française sans contestation. Ce n’est pas lourd, c’est un peu angoissant parfois car il faut être à la hauteur ou, en tous cas, réussir à donner au public autant d’émotion qu’elle pouvait transmettre…

Christine : Cette histoire extraordinaire vous a-t-elle donné envie de partir à la découverte de cette femme, de son destin, d’en savoir plus sur elle ?

Jil Aigrot : Je connaissais déjà un peu l’histoire d’Edith Piaf mais pas forcément celle de La Môme. J’ai lu énormément de livres sur elle et j’ai eu surtout la chance de rencontrer des gens qui l’ont connue. Notamment Danielle Bonel qui était la femme de son accordéoniste, mais surtout sa dame de compagnie qui a passé beaucoup de temps à ses côtés. J’ai aussi rencontré des passionnés notamment Jean-Paul Mazillier, un grand collectionneur qui vit à Marseille. Il m’a montré ses robes, ses livres, ses lettres et m’a beaucoup parlé d’Edith Piaf ce qui m’a été précieux pour nourrir mon spectacle. C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui la chantent, et je ne voulais pas faire « un spectacle de plus »… « Edith » devait être comme l’artiste : unique !

Christine : Après « Edith », pensez-vous que Jil pourra vivre d’autres choses ?

Jil Aigrot : Oui bien sûr… enfin, j’espère ! Peut-être que cette aventure va durer encore quelques années mais ma carrière ne doit pas se limiter à ça. Mon histoire avec Edith Piaf me fait vivre des choses extraordinaires, mais loin d’être une finalité, c’est peut-être le début d’autre chose aussi. Je suis très confiante…

Retrouvez toutes les photos du spectacle réalisées par Christine