Sous les casquettes, LA GAPETTE !

Après leur visite estivale du Côté Pont à La Seyne/Mer en juillet dernier,  ils nous viennent (et nous reviennent même !) de Bretagne pour cette première soirée du festival Le Cri du Rocher. La GapetteLes cinq compères et complices, arborant fièrement leur Gâpette dont ils ont fait leur patronyme et leur habillage, font une nouvelle fois tourner les têtes de leur « muzouche » festi-farceur, tissé de néologismes faisant naître des mots bien à eux ! Mais l’essentiel n’est-il pas de les comprendre ? Et quand on les rencontre, on comprend vite la force indomptable qui les anime et qu’ils résument si bien en cette maxime : « vive le spectacle vivant » ! La preuve avec cette interview en live de son créateur- leader-chanteur-guitariste-trompettiste-auteur-compositeur…bref Rodo quoi !!!

Christine : On vous croit Bretons mais il semblerait que l’origine de La Gâpette soit varoise ?

Rodo : On peut le dire ! En fait, pendant un an, j’ai habité dans le coin, à Saint-Mandrier et c’est là que j’ai rencontré Stéphane, l’accordéoniste.  On a commencé à jouer ensemble sur des morceaux que j’avais écrits. Donc on peut dire effectivement que les prémices de La Gâpette, du moins dans sa version duo, ont commencé ici, dans le Var. En retournant en Bretagne, ma région natale, j’ai finalement emmené Stéphane dans mes bagages pour rejoindre les copains. ça fait 5 ans qu’on tourne un peu partout en France mais nous avons gardé un attachement assez fort avec les gens d’ici comme le groupe « Petite Musique » qui sont de bons potes ou bien encore l’équipe de La Fissure Prod’. Du coup, on s’entraide pas mal pour trouver des dates dans nos régions respectives, voyager et rencontrer de nouveaux publics.

… c’est très bien comme ça !

Christine : Autrement dit, pour vos concerts, vous privilégiez les réseaux plus « underground » que les circuits traditionnels ?

La GapetteRodo : C’est volontaire à la base, mais de toute façon,  on n’a pas vraiment le choix ! (rires).  On va dire que cette indépendance nous permet de faire les choses avec les gens qu’on connaît ou qui ont la même façon de penser. Donc, finalement,  c’est très bien comme ça !

Christine : Peut-être aussi parce que La Gâpette, c’est une aventure humaine avant d’être une aventure commerciale…

Rodo : Absolument ! Et c’est un vrai choix… Je pense que nous aurions tous pu faire un autre métier, mais maintenant c’est le nôtre et ça reste une passion que nous partageons ensemble et surtout avec les autres. Peu importe les moyens, nous on fonce, on s’éclate, on prend ce qu’il y a à prendre en se disant que ça durera le temps que ça durera… Et ça fait 5 ans que ça dure !

On ne veut pas que l’attrait commercial nous fasse oublier la mission essentielle qu’on s’est donnée : s’amuser et donner du plaisir aux gens !

Christine : Cela dit, un groupe comme La Gâpette n’en n’est plus au stade amateur… La GapetteEt vous risquez d’atteindre bientôt une limite qui vous obligera à passer au niveau supérieur… ou pas ?! Ça peut être une vraie difficulté pour vous ?

Rodo : Effectivement, les difficultés dont tu parles, on les rencontre déjà dans la mesure où l’on joue régulièrement devant une jauge de 200 à 300 personnes par concert, et en additionnant les dates, ça fait des dizaines de milliers de spectateurs.  Parfois, on se dit qu’on pourrait espérer en rassembler quelques milliers d’un coup comme le font certains artistes… Mais pour nous il y a aussi une question éthique et comme tu l’évoquais, on ne veut pas que l’attrait commercial nous fasse oublier la mission essentielle qu’on s’est donnée : s’amuser et donner du plaisir aux gens !

Christine : Tu penses qu’un « succès commercial » pourrait à ce point vous faire tourner la tête ?

Rodo : On connait des expériences de groupes, un peu partout en France, qui ont été signés rapidement La Gapetteet ont connus un succès flamboyant. Le problème, c’est qu’au bout d’un an, beaucoup ont perdu la maîtrise des choses au point parfois de se séparer de certains membres à la demande express de soi-disant managers ou autres pros du genre… Et les mecs, qui ne voient pas le truc venir, le font sans état d’âme et s’aperçoivent trop tard qu’ils ont fait une connerie… C’est à ce moment-là que les ennuis commencent et que, bien souvent, les groupes explosent et disparaissent…

Pour des groupes indépendants comme nous, un peu à la croisée des chemins, le nerf de la guerre c’est la visibilité

Christine : Donc pour toi, quelle est la solution ?

Rodo : Pour des groupes indépendants comme nous, un peu à la croisée des chemins, le nerf de la guerre c’est la visibilité. Donc j’en reviens à l’idée de base avec ces réseaux de connaissances et d’entraides qu’il faut développer et renforcer partout en France. Un groupe breton comme La Gâpette ne viendrait pas forcément faire ces belles scènes de festivals varois s’il n’y avait pas ces liens de confiance et d’amitié avec des gens qui ont la même façon de penser que nous… et inversement !

Christine : Tu parles de visibilité et, en la matière, certains artistes « hors circuit » comme vous, ont véritablement tiré leur épingle du jeu grâce aux outils Internet et aux réseaux sociaux. Ça fait aussi partie de votre stratégie ?

La GapetteRodo : Ceux qui ont été précurseurs dans l’utilisation des réseaux sociaux ont effectivement bénéficié d’une visibilité extraordinaire. Mais il y a un cycle pour toute chose et maintenant que tout est visible, plus rien ne l’est vraiment ! Je pense que la force des réseaux sociaux tient désormais à la possibilité de fidéliser les gens.

Christine : Il y a aussi l’attrait des projets participatifs ?

Rodo : Absolument ! Et d’ailleurs, pour la sortie de notre nouvel album au printemps 2015, on s’est dit qu’on allait s’offrir un clip en dessin animé, chose que les majors compagny ne font plus parce qu’investir 15 000 € de budgets dessinateurs, ce n’est plus rentable…  Donc nous, on prend le contrepied et on a fait appel à  l’équipe qui a réalisé le célèbre clip « Le Café » de notre ami Oldelaf. Donc pour ce projet, on a lancé un financement participatif qui nous a permis de récupérer 7 000 €. D’ailleurs, à notre grande surprise, notre projet faisait partie des trois meilleurs en termes de rapidité de réponses !

Dans le tiroir secret de la « chanson-rock-muZouche », on y est tout seul donc forcément, on y a toute la place pour être les meilleurs !

Christine : Revenons au cœur du sujet et de cette musique que vous baptisez le « muzouche »…

Rodo : Cette appellation, que nous ne contrôlons plus vraiment, vient de l’époque où nous formions le trio contrebasse, La Gapetteguitare et accordéon aux influences à la fois manouche et musette, d’où « le musouche » ! Mais depuis, notre style a beaucoup évolué dans une dimension plus rock confortée par une batterie et une guitare électrique sur quelques morceaux ! Pour faire simple, on va dire que La Gâpette se range dans le grand tiroir de la Chanson Française… mais finalement, on est tout seul dans le tiroir de la « chanson-rock-muzouche », donc forcément, on a toute la place pour être les meilleurs ! (rires).

Christine : Il me semble que ce tiroir est surtout rempli de tous vos goûts musicaux, histoire de vous faire plaisir dans tous les répertoires, sans être réduits à un style bien défini…

Rodo : Effectivement, La Gâpette c’est les goûts de chacun et le plaisir de tous ! Mais surtout, cet éclectisme tient au fait que les morceaux ont d’abord une vie de chanson, puis une vie de scène avec parfois d’autres couleurs… On adore les transgressions ! Par exemple, des gens de 70 ans viennent nous voir pour écouter des morceaux d’accordéon et nous, on leur fait chanter « Autoroute vers l’enfer » (ndlr : reprise très réadaptée du célèbre Highway to Hell d’AC/DC). Et à l’inverse, des gens kiffent notre style punk-acoustique et on les fait danser sur une petite valse de bistrot qui va bien !

Christine : Côté créatif, comment ça se passe ? Chacun apporte sa pierre à l’édifice ou ce sont toujours les mêmes qui proposent ?

Rodo : Il n’y a pas si longtemps encore, c’est plutôt moi qui apportais la musique et les paroles clés en mains… Mais depuis que nous avons fait grandir le groupe en 2013 et que nous sommes désormais 5 membres actifs, nous fonctionnons différemment : je présente des prémaquettes et chacun se met au service des morceaux. Même s’il y a un « auteur-compositeur », tout le monde s’approprie le projet et finalement ça marche assez bien ! On compte aussi beaucoup sur l’oreille extérieure de notre « ingé son » qui généralement ne nous épargne pas de ses critiques (rires) ! Et puis, on se laisse un espace de liberté et d’improvisation sur scène… Du coup, nos morceaux ont plusieurs vies : une vie chez moi, une vie en répèt, une vie sur scène et une vie sur l’album… et chaque vie fait évoluer les choses !

On joue beaucoup sur les associations de mots pour inventer les nôtres, ce qu’on appelle des « néologismes »

Christine : Vous êtes un groupe festif mais vous pouvez aussi aborder dans vos chansons des sujets assez graves… L’ironie est votre façon de pouvoir parler de tout ?

Rodo : On m’a fait remarquer, il n’y a pas si longtemps, que l’une des particularités de La Gâpette était justement cette espèce de contraste La Gapetteentre les thèmes, parfois graves, et notre façon de les aborder, soit par des textes détournés, soit par l’habillage musical. On joue beaucoup sur les associations de mots pour inventer les nôtres, ce qu’on appelle des « néologismes », comme par exemple « le barmanologue » ou « la schyzophrénuit ». Dans le même esprit, pour notre clip en dessin animé, on a choisi « le bistrot des comptines », qui joue à la fois sur le côté innocent et enfantin et sur le côté dépravé de ses personnages… !

Christine : Après votre retour sur Le Cri du Rocher, vous avez d’autres projets pour cette rentrée ?

Rodo : Nous, notre métier c’est d’abord la scène… Et pour 2015, on travaille une formule de spectacle un peu plus « théâtralisée », beaucoup plus millimétrée, avec un fil conducteur qui tourne autour du thème du bistrot. Mais quoiqu’il en soit, on joue toujours pour les gens qui viennent nous voir et on se donne à fond pour eux, qu’ils soient 10, 250… ou 1 500 un jour peut-être !

Retrouvez toutes les photos du concert de La Gapette au Festival Coté Pont le 13/07/14, réalisées par Christine Manganaro, Pascal Léger et Yann Etesse

Et toutes les photos de concert de La Gapette au Cri du rocher 2014