UN COMÉDIEN EN DÉVELOPPEMENT DURABLE

Gil-Alma-100%-naturel_250118GUn comédien accompli. Un homme épanoui. Beau gosse charismatique. Authentique et « 100% Naturel »… À l’aube d’une quarantaine que les tempes grisonnantes s’emploient à sublimer, on a beau chercher la faille, on s’interroge : Gil Alma serait-il l’Homme Idéal ?
Les 40 minutes d’interview exclusive (et oui, Cibiwaï est souvent là où les autres ne sont pas) ne nous permettront pas d’en tirer cette hâtive conclusion, mais on peut vous assurer que cette rencontre fut fort agréable, tant par cet échange privilégié que par la découverte de son spectacle qu’il présentait au théâtre toulonnais Le Colbert, le 25 janvier 2018.

Puisque Gil Alma jure de dire la vérité et rien que la vérité dans son spectacle, il convient, chers lecteurs, avant d’entreprendre la lecture de cette interview, de vous faire un aveu : je n’avais jamais regardé Alain dans la série de Nos chers voisins et je n’avais donc aucune idée de ce rôle qui offre, depuis 6 ans, une popularité grandissante à son interprète.
Finalement, en sonnant à sa porte (ou du moins celle de sa loge), son sourire éclatant, sa franche poignée de mains et son évidente bienveillance ont tôt fait de dissiper le soupçon de contrition qui pouvait m’habiter.
Ne rien savoir de lui en arrivant… et repartir avec l’impression de le connaître depuis toujours, voilà en une phrase ce qui pourrait résumer la recette qui fait aujourd’hui le succès du comédien humoriste Gil Alma, en se livrant « sans filtre » (comme il dit) à un public qui rêverait d’un tel voisin !

Christine Manganaro

Ta « bio officielle » démarre à tes 19 ans. On y parle de ton parcours de comédien, mais j’aimerais savoir ce qu’il s’est passé dans ta vie entre 0 et 19 ans… et notamment si, déjà dans ton enfance, tu étais prédestiné à ce métier ?
Ouh la la !! Bon, ce que je peux te dire c’est que j’ai toujours été un garçon jovial… enfin selon ma maman ! Ma grand-mère avait un vieux magnéto et je passais des heures à enregistrer mes imitations du « Bébête Show », une émission qui cartonnait à l’époque ! Petit, je n’ai pas fait de théâtre mais j’ai toujours eu ça en moi, j’adorais faire le pitre et faire rire les gens ! Par contre au lycée, c’était pas très glorieux, je dois avouer que je bossais pas des masses et que je pensais plus à faire l’amuseur de service. Ce sont d’ailleurs mes potes qui m’ont poussé à aller dans cette voie !

(…) à l’heure qu’il est, je serais toujours poissonnier !

Et tu t’es donc inscrit dans des cours de théâtre ?
Effectivement, je me suis inscrit complètement par hasard dans un cours d’art dramatique à Paris. Ça s’appelait l’Atelier Théâtre Frédéric Jacquot…. C’était anciennement les cours Raymond Gérard où des grands comme Belmondo sont passés. En fait, à cette époque-là, toute ma famille était dans le poisson et moi aussi !

C’était une affaire familiale ?
Mes grands-parents étaient poissonniers, ma mère a échappé à ça pour bifurquer vers la Banque, et mon père est décédé lorsque j’étais tout petit…mais il était poissonnier aussi ! Si ça n’avait pas marché en tant que comédien, à l’heure qu’il est, je serais toujours poissonnier !

Et j’ai lu qu’à un moment tu as été aussi croque-mort ?!
(éclats de rire) Non c’est une vanne ! Un fake !

Pourtant l’information a été reprise dans plusieurs articles…
C’est pas vrai !!! Où ça ??? (rires). C’est parce qu’au départ, dans mon tout premier spectacle, j’avais une vanne sur le métier de croque-mort. Mais depuis je l’ai virée de mon scénario parce qu’en fait, j’essaye de ne raconter que des choses vraies. Donc, il est temps de rétablir la vérité : je n’ai jamais été croque-mort ! Mais, par contre, je connaissais un coiffeur-maquilleur qu’on surnommait le « Picasso des Pompes Funèbres » et le gars n’a jamais eu un seul retour client !! (rires)

Sur scène, j’ai commencé à avoir des résultats… Ceux en fait que je n’avais pas eu à l’école.

Et lorsque tu as commencé ces cours de théâtre, ça a été une vraie révélation pour toi ?
En fait, je voyais que le public réagissait lorsque j’étais sur scène. Mon prof m’a soutenu et j’ai commencé à avoir des résultats… ceux en fait que je n’avais pas eu à l’école. Et quand on commence à te faire confiance à cet âge-là, ça te booste. Alors j’ai décidé de continuer et de travailler encore plus. Bien sûr ça a pris du temps et je suis passé par plein de petits jobs comme la figuration, le père-noël pour les gamins…

Tu as saisi toutes les opportunités pour nourrir tes expériences ?
Ben pour nourrir mon portefeuille aussi !! (rires). Au début, j’étais toujours poissonnier mais je me disais que le meilleur moyen pour passer le pas vers ce métier de comédien, c’était de devenir intermittent du spectacle. Donc il fallait accumuler les cachets !

Tu as fait aussi des publicités !
Ah oui ! Des sacrées pubs de merde mais j’en suis très heureux !! D’ailleurs je parle dans mon spectacle de ma toute première pub pour du boudin noir. Pour un poissonnier c’était top !! A priori, j’avais la tête de l’emploi puisqu’il paraît que ça avait boosté les ventes !! (rires). Au total, j’ai dû faire une dizaine de pubs pour la télé…

Mais ça c’était avant que 5.5 millions de téléspectateurs te voient tous les jours dans leur série préférée… Aujourd’hui, on te proposerait d’en refaire, tu accepterais ?
Aujourd’hui… il faudrait faire un peu plus attention, et bien choisir la marque. Mais bon, si l’Oréal m’appelle…
… parce que tu le vaux bien sans doute !! (éclats de rire).

J’ai eu une très belle année 2008

 En fait, à l’inverse de beaucoup de comédiens, ta carrière a plutôt démarré dans le cinéma, en particulier en 2008 avec le film « Vilaine » qui a été un tremplin ?
En fait, tout ce que j’ai fait m’a servi. Par exemple, pour revenir à la publicité, j’ai tourné deux spots avec un réalisateur qui s’appelle Denis Thibault, et ce monsieur, 3 ou 4 ans plus tard, a fait appel à mes services pour un pilote qui s’appelait… « Nos chers voisins » !! Tout marche comme ça dans ce métier, avec le réseau. Mais il est vrai que j’ai eu une très belle année 2008 où effectivement j’ai tenu le rôle de Jonathan dans le film « Vilaine » de Jean-Patrick Benes et Allan Mauduit. J’ai aussi tourné avec Costa Gavras pour son film « Eden à l’Ouest ». Je jouais déjà à l’époque pour un programme court sur M6 qui s’appelait « Tongs et Paréo ». Et puis j’ai été aussi « Talent de Cannes ADAMI » pour le court métrage de Léa Fazer, une superbe réalisatrice. Ça fait pas mal pour une année, non ?

Et ensuite, que s’est-il passé entre 2008 et 2012 ?
J’ai fait toute une saison dans une série pour M6 qui a très bien marché à l’époque et qui s’appelait « Les Bleus » où j’incarnais le capitaine de police Greg Manoukian, un mec pas drôle du tout ! J’ai fait aussi pas mal de téléfilms, notamment « I love Périgord »… bref je faisais mon métier quoi !

Entre le cinéma et la télé, si tu avais un choix à faire ?
Ce cloisonnement qui existait entre le cinéma et la télé il n’y a pas si longtemps encore, est heureusement en train de disparaître. Il y a beaucoup d’acteurs de cinéma qui viennent à la télé parce qu’il y a de très belles réalisations. Et sur le jeu d’acteur, il n’y a finalement pas de grande différence. Par exemple, j’ai tourné pour France 2 « Maman a tort », adaptée du bouquin de Michel Bussi. C’était une « série prestige » comme ils disent, tournée en 6 x 52 minutes, et j’avais 30 jours de tournage. Pour moi, c’était du vrai cinéma !

Dans l’évocation de tout ce parcours, on ne retrouve pas le théâtre ?
C’est vrai… Pourtant, j’ai commencé par ça en jouant du Guitry ou du Feydeau et j’adorais ça. Ensuite j’ai joué dans un spectacle où nous faisions des sketchs à trois sur scène. Et puis, rapidement, il y a eu mon premier One Man qui occupait pas mal de mon temps. Je me suis dit : « si je veux être connu dans ce métier, il faut que je sois seul sur scène et qu’on retienne mon nom ». Pour être honnête, j’en avais très envie donc c’était un parti pris. Mais, le théâtre, j’y reviendrai avec grand plaisir… plus tard !

 

Quand les gens me croisent et m’appellent Minou ou Alain, j’assume complètement.

Allez, parlons de « Nos chers Voisins ». Un projet comme ça doit être un énorme défi, un investissement de très longue haleine… et je serais tentée de dire une sorte d’aliénation ?
Honnêtement, c’est dur, y compris physiquement ! On concentre en 3 mois de tournage, une année de sketchs. On est en studio de 8H à 19H et on tourne environ 10 séquences par jour. Donc ça fait quotidiennement 10 pages de textes qu’on apprend quasiment en temps réel parce que, vu le bottin du scénario, c’est impossible de tout apprendre à l’avance !! Il y a deux plateaux différents, deux réalisateurs différents, et on enchaine, de l’un à l’autre. C’est éprouvant, mais c’est le jeu.

Ça va faire 6 ans que tu « vis » dans cette série… Est-ce que « Minou » ne risque pas d’éclipser Gil Alma ?
Si bien sûr, et c’est le cas. Mais c’est un choix au départ et il faut l’assumer sinon on devient vite malheureux avec ça. Je ne pensais pas que cette série deviendrait si populaire mais moi, quand les gens me croisent et m’appellent Minou ou Alain, j’assume complètement. Ça permet effectivement d’être populaire donc autant profiter de cet avantage pour faire d’autres choses à côté. Gil Alma est en train de reprendre tranquillement sa place mais c’est aussi grâce à Alain !

Tu ne m’entendras jamais dire du mal des gens, même de ceux qui pourtant le mériteraient.

Les gens qui viennent sur ton spectacle viennent voir Minou ou découvrir Gil ?
Je pense qu’il y a les deux ! Je fais toujours un petit sondage au début de mon spectacle pour demander qui connaît « Nos chers voisins ». Et effectivement, il y a toujours environ 90% de la salle qui lèvent la main. Mais il y en a quand même 10% qui ne connaissent pas et finalement, ces gens repartent de mon spectacle en me disant que dorénavant ils vont regarder la série !! Quant aux autres, je pense qu’ils me redécouvrent autrement … ou plutôt qu’ils découvrent Gil Alma parce que, sur scène, c’est vraiment moi, de A à Z ! Et à priori, ils ne repartent pas déçus !!

Ton spectacle et les trois précédents d’ailleurs, sont effectivement hyper autobiographiques. Mais y’a tant de choses à dire à ton sujet ?!?!
(éclats de rire) Dans une vie, on évolue, et depuis mes débuts, je me suis marié, je suis devenu papa, j’ai diversifié mes expériences, et donc y’a forcément des nouvelles choses à raconter ! Et puis certes je parle de moi, mais en fait je parle surtout de la vie de chacun… Quant au fait de ne pas vouloir faire de l’humour noir, c’est tout simplement que j’en suis incapable dans ma vie ! Tu ne m’entendras jamais dire du mal des gens, même de ceux qui pourtant le mériteraient.

Quelle est finalement l’originalité de ta proposition artistique ?
C’est le sans filtre, la proximité avec les gens et c’est d’ailleurs pour ça que j’ai appelé mon spectacle « 100% naturel ». Dans cette interactivité avec le public, tout devient possible, comme par exemple les deux demandes en mariage de spectateurs qui se sont faites pendant mon spectacle.
100% naturel, c’est aussi prouver aux gens que ce n’est pas parce qu’on passe à la télé et qu’on est connu qu’on peut se permettre d’avoir le bourrichon !! A la fin de mon spectacle, j’invite les gens à rester pour qu’on discute. Et c’est chaque fois une vraie rencontre amicale…

J’ai ouï-dire qu’à Avignon, chaque jour du festival, tu es dans la rue pour rencontrer ton public… Si tu fais ce métier c’est surtout pour ça ?
Disons qu’Avignon, c’est particulier. Déjà c’est sympa d’aller rencontrer les gens qui te regardent à la télé, mais ça te permet aussi de remplir ta salle le soir ! Mais d’une façon générale, j’aime vraiment les gens !

Les humoristes ont souvent une grosse tendance égocentriste. Chez toi au contraire, on ressent beaucoup d’altruisme…
Ah complètement ! J’ai la chance d’avoir une maman extraordinaire qui m’a donné tellement d’amour que j’en ai autant à offrir aux autres. Ça me fait plaisir de faire plaisir aux gens… vraiment !

C’est très important pour moi de réussir ma vie de famille

On retrouve cette démarche altruiste aussi dans tes engagements pour des causes associatives ?
Je joue avec le T-Shirt d’ELA, une association qui lutte contre les leucodystrophies et dont je parle à la fin de mon spectacle. J’en suis l’un des parrains. C’est la première association avec laquelle je me suis engagé. J’ai rencontré les enfants malades, leurs familles, j’ai vécu des moments extraordinaires. Faire rire c’est bien, mais si en plus on peut servir une bonne cause, c’est encore plus cool ! A côté de ça, je m’implique dans plein d’autres associations : la fondation Pompidou, la chaîne de l’Espoir, Actions Enfance et d’autres encore. C’est très difficile pour moi de dire non lorsque je suis sollicité parce que chaque cause en vaut la peine.

Abordons le côté un peu plus intime de ta vie… On sent que tu es un homme très épanoui. Tu arrives à tout concilier ?
Oui… Etonnant hein ? (rires). D’autant plus étonnant que ma femme est hôtesse de l’air dans l’aviation d’affaires et qu’elle part trois semaines toutes les trois semaines. Ben ouais, on tient le coup et je pense que c’est parce que, malgré tout, je n’ai pas trop changé. Et c’est très important pour moi de réussir ma vie de famille. J’ai deux petits garçons que j’emmène dès que je peux. Je leur cuisine du poisson bien sûr (rires) et pour moi, tout ça est encore plus important que ma vie professionnelle.

Je suis quelqu’un de très écolo et j’ai vraiment envie d’en faire le prochain fil rouge

Dans cette « vie idéale », j’imagine que tu as encore plein de rêves…
Bien entendu, je voudrais continuer à grimper tranquillement les échelons et ça aussi j’en parle dans mon spectacle : poissonnier – acteur pour une pub de boudin noir – Alain dans Nos chers voisins… je me dis que la prochaine étape c’est Hollywood !!! (rires). Je suis très heureux et si je continue sur cette lancée, travailler sur de beaux projets télé ou cinéma, faire mon one man et remplir mes salles, c’est tout simplement formidable.
Pour mon spectacle, j’ai encore une étape à passer : je suis quelqu’un de très écolo et j’ai vraiment envie d’en faire le prochain fil rouge. Quand je vois à quel point on peut se prendre la tête sur des choses qui n’en valent vraiment pas la peine, il y a une chose beaucoup plus importante : la VIE tout simplement, celle de notre planète et la nôtre parce que l’une ne va pas sans l’autre ! Donc j’ai une prochaine version qui est déjà bien en place dans ma tête et qui sortira bientôt… peut-être à Avignon. Avec un beau petit message derrière mais toujours sur un ton sympa !

Tu accepterais que quelqu’un écrive pour toi ?
J’ai déjà des co-auteurs, deux bons potes, qui me suivent depuis le début. Et ces mecs-là sont toujours à mes côtés.

Allez, l’incontournable dernière question : es-tu un bon voisin ?
Ben, en fait oui, j’suis plutôt sympa ! C’est une horreur de dire ça !!! (éclats de rire). A chaque fois que j’assiste aux assemblées générales, on dit toujours oui à mes propositions. Va comprendre !! La prochaine AG je vais demander à avoir deux poules dans mon jardin pour les déchets organiques. Si ! Si ! C’est pas des conneries, et j’espère bien qu’ils vont accepter !

 

Retrouver ici toutes les photos du spectacle de Gil Alma vu par Yann et celles de Christine et Pascal ici.

Nos amis d’Imag’in la scène tv nous accompagnaient sur ce bon moment au Théatre Le Colbert. Leur vidéo ci-dessous:

GIL ALMAN le COLBERT TOULON

Interview de GIL ALMA au Théâtre Le Colbert Reportage CIBIWAI Vidéos et montage imag'in la scène

Publié par Imag'in la scène tv sur jeudi 1 février 2018